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Le
portail se referma dans un crépitement d’énergie
bleuté. Leorlindel Feaniel repoussa
machinalement la longue mèche de cheveux dorés
qui retombait constamment devant ses yeux pers et contempla
les alentours. L’île de Zelinn était
encore pire que ce qu’il avait imaginé.
Partout, des geysers de soufre et de feu plus rouge
que le sang s’élevaient, crachant leurs
vapeurs nauséabondes sur le paysage dévasté.
De loin en loin, il apercevait des roches noires dans
le néant de la plaine ravagée, dressées
telles des avertissements sans appel aux imprudents
qui osaient défier la souffrance des lieux ou
pensaient pouvoir y survivre plus de quelques heures.
L’Elfe se trouvait au sommet
d’un dolmen, l’un des seuls endroits épargnés
par la souillure ambiante. Dans le lointain, il ne discernait
que les crêtes arides des contreforts de l’immense
montagne perdue dans des brumes sombres et huileuses.
Tirant une petite amulette d’or et de bétyle
ciselée à l’image de deux arbres
dont les troncs s’entremêlaient, il effectua
une brève prière à son dieu, Elios,
puis sauta au bas de la pierre sacrée et prit,
de son pas souple et léger, la direction des
crêtes menaçantes qui dominaient l’île
des cauchemars.
Tout en avançant, évitant les pièges
naturels et la végétations hostile, il
repensa aux événements qui l’avaient
conduits jusqu’ici – et à ceux qui
avaient failli l’empêcher d’atteindre
ces lieux maudits.
La lune était dans son premier quartier lorsque
Lorinor Lindelar, haut prêtre d’Elios, avait
réuni les seigneurs de tous ceux, Elfes, licornes,
mages et guérisseurs qui suivaient les préceptes
du Dieu protecteur. Le Maître de la Magie, avait-il
déclaré, avait besoin de champions, aussi
un tournoi serait organisé pour déterminer
quels seraient ceux qui auraient l’honneur et
la charge de le représenter.
Leorlindel, capitaine des Archers d’Elios, avait
prouvé sa valeur au maniement de l’arc,
à l’épée et avait combattu
ses pairs en duels de magie… Un déluge
de flammes bleutées, de formes fabuleuses, fantomatiques
et de crépitements d’énergie avait,
durant des jours et des jours, envahi l’Arène
Sacrée et, à mesure que les concurrents
quittaient peu à peu la place, éliminés
par des forces supérieures aux leurs, les effets
telluriques s’étaient faits de plus en
plus impressionnants, de plus en plus mortels. Il était
sorti victorieux de la majorité de ces affrontements,
mais n’avait su, jusqu’à ce que la
voix, douce et puissante, terrible et chaleureuse du
dieu résonne au fond de son crâne, s’il
avait vaincu. « Leorlindel Feaniel, fils de Laranor
Feaniel, je te choisis pour être mon champion
»…
Un crissement, imperceptible pour toute oreille, humaine
ou non, inaccoutumée aux bruits provoqués
par l’utilisation de la thaumaturgie, le fit sursauter,
l’arrachant brusquement à ses souvenirs.
Il se retourna, crispant instinctivement ses doigts
pour former une boule de lumière destructrice
et réprima un cri de surprise..
Sur sa gauche, comme surgie de nulle part, se dressait
une énorme créature, à la peau
écailleuse et rutilante, dont l’énorme
gueule était ouverte sur une rangée de
crocs jaunâtres et dégoulinants de venin,
dont les petites ailes de peau squameuse, ridiculement
disproportionnées par rapport à sa taille,
soulevaient, à chaque battement, d’intenses
fumées noires et nauséabondes. La wyverne
le fixait de ses petits yeux perfides, au fond desquels
se lisaient une malice sans nom et d’infâmes
appétits. L’Elfe se leva
d’un bond, projetant en un même mouvement
la sphère lumineuse sur son adversaire. Elle
s’écrasa sur sa peau avec un bruit mat
et disparut sans l’avoir ne serait-ce que blessée.
Le monstre rugit, crachant sur le magicien un tourbillon
de feu noir, qu’il esquiva de justesse. Avisant
un rocher à quelques foulées de là,
Leorlindel s’y précipita, faisant appel
à la célérité de son peuple
pour y parvenir avant que la wyverne ne le rejoigne.
D’un bond prodigieux, il parvint à son
sommet et tira une flèche de son carquois au
moment même où il retombait sur ses pieds.
" - Elios, Seigneur protecteur de mon peuple, Maître
de la Magie, j’en appelle à ta puissance
! Prête-moi ta force ! Investis mon corps des
pouvoirs de ton esprit et permets que je purifie l’univers
de la présence infecte de cette engeance du mal
! "
Le trait fila, illuminé d’une blanche clarté,
plus vif que la lumière pour aller se planter
droit dans la gueule béante du monstre. Avec
un effroyable cri de rage et de souffrance, la wyverne
chargea, faisant trembler le sol, projetant partout
autour d’elle des flammes nauséabondes
et acides. L’Elfe prit deux autres
flèches et tira d’instinct, sans prendre
la peine de viser. Elles se fichèrent toutes
deux dans le crâne hideux, couvert d’écailles
squameuses de la créature, qui dans un dernier
hurlement d’agonie s’effondra pour ne plus
se relever. Prudent, Leorlindel attendit quelques minutes
avant de descendre de son perchoir et de reprendre sa
route, serrant le Talisman d’Eolis, présent
d’Elios pour son élu, entre ses doigts.
Un présent qui lui permettrait de faire appel
au Maître de la Magie pour vaincre les créatures
maudites de l’île du sang … Un présent
qu’il avait, cependant, failli ne jamais recevoir.
S’il ne s’était pas rendu, ce soir-là,
dans les jardins du Temple de la Nature, s’il
n’avait pas découvert le cadavre encore
chaud du guérisseur Barlor et n’avait pu,
grâce à ses compétences de pisteur,
retrouver son assassin – un des leurs ! un homme
qui appartenait depuis cinq ans à leur compagnie,
qui, toujours, avait fait montre d’un grand courage
mais en réalité servait les obscurs desseins
de Greell, la déesse des enfers – et l’abattre,
lui transperçant le coeur d’une seule flèche,
personne n’aurait jamais su que sans l’artefact,
l’Elfe était voué
à une mort certaine…
Greell. Greell la traîtresse. Greell, la maîtresse
des mensonges… S’il avait convenablement
interprété les rêves que son Dieu
lui envoyait durant son sommeil, il était possible
que la Maîtresse des démons soit à
l’origine de la trahison de Zelinn et dans ce
cas, ce n’était pas la victoire contre
les autres champions qu’il lui fallait rechercher,
mais bien la vérité...
NB
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